Suite ... les travailleurs étrangers en France

 

C’est pourquoi j’ai choisi et proposé à quelques condisciples à l’Ecole des Ponts et Chaussées que notre mémoire de fin d’études porte non pas sur un ouvrage d’art mais sur l’intégration des travailleurs étrangers en France. Aventure passionnante pour nous. Nous étions d’entrée de jeu dans la position que j'ai toujours aimée par le suite, tenir les deux bouts de la chaîne : le quotidien à la fois sordide et humainement parfois splendide des hôtels meublés du 15ième arrondissement ou des squats de Nanterre et l’analyse, par entretiens avec les principaux responsables de la politique au niveau national, de ce qu’était à l’époque la politique d’immigration et d’intégration. En un mot, tenir les deux bouts de la chaîne et provoquer un court-circuit entre eux, en considérant qu’ils formaient deux faces indissociables de la réalité.

 

Le livre, d’abord rapport de fin d’études, est le fruit de ces réflexions. C’est par hasard, parce que le Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Aménagement Urbain n’avait pas les moyens de refaire des copies d’un texte qui m’était souvent demandé, que nous l’avons transmis aux Editions Ouvrières qui ont décidé tout de suite de le publier. Je crois que dans l’ensemble, le diagnostic et les conclusions n’ont pas trop vieilli.

 

Le livre montre l’importance essentielle des filières migratoires : elles jouent, dans le phénomène de migration, le même rôle que les fissures dans une roche : la différence de pression économique et démographique détermine le potentiel migratoire, mais celui-ci ne se réalise que lorsque des filières se mettent en place qui peuvent transformer le processus migratoire d’aventure exceptionnelle qu’il est au début en un courant régulier d’échanges humains qu’il devient par la suite.

 

La deuxième leçon, c’est l’inertie des politiques nationales. Comme nous le disions dans la conclusion de l’ouvrage, dès le milieu des années 1960, la dernière grande migration intra européenne, la migration portugaise, est en train de se tarir. L’émigration en provenance du sud de la Méditerranée a pris le relais. C’est devenu une des modalités de relations entre le Nord et le Sud et c’est en ces termes qu’il faut poser le problème. Selon nous, à l’époque, et je tends à penser que nous avions raison, l’enjeu majeur est de mettre en place des migrations temporaires susceptibles de réinjecter dans les pays du sud des compétences et des ressources acquises en France, plutôt que d’organiser une migration familiale qui posera tôt ou tard des problèmes insolubles et ne bénéficie en rien ou presque au pays d’origine de la migration.